Pere Ubu - The Modern Dance (1978)
Un groupe qui se donne pour nom celui du
personnage central de l'oeuvre d'Alfred Jarry marque d'emblée son originalité
et son érudition artistique (pour des américains de Cleveland, c'est quand même
fort, si c'était des français cela paraîtrait déjà plus trivial), et l'on
abordera donc le disque (ici, donc, leur premier album) avec un a priori
favorable qui sera en grande partie confirmé par l'écoute. Parmi tous les plus
anciens des groupes new-wave, Pere Ubu est l'un des plus ouvertement
expérimentaux, ce qui s'exprime notamment par l'inclusion de samples et
d'effets électroniques dans une musique complètement punk (surtout les morceaux
les plus rapides comme les deux ouvertures de faces, "Non-Alignment Pact"
et "Life Stinks"), ou plus sophistiquée au niveau de la construction rythmique.
Bien que l'objectif ne soit pas d'en faire l'étalage, les musiciens du groupe
sont relativement plus adroits techniquement que la plupart des punks/new-wave
(il faut attendre l'antépénultième chanson de l'album pour avoir droit à un
solo de guitare génial de Tom Herman...), la personnalité qui domine l'ensemble
étant cependant le chanteur David Thomas (destiné à demeurer le seul membre
permanent à travers l'histoire de Pere Ubu jusqu'à nos jours), dont la voix est
unique dans le monde du rock (pour ce que je connais, je pense qu'à part
peut-être le gars de Run Westy Run, personne n'a vraiment cherché à imiter son
style) : le timbre est très particulier (ce qui risque de rebuter au premier contact
auditif...) et l'interprétation oscille entre ironie (avec ricanements cartoonesques...)
et sensibilité extrêmement convaincante (quand David Byrne donne toujours plus ou moins
l'impression d'être un acteur en représentation, ou quand Mark Mothersbaugh ne sait pas se dégager de
sa loufoquerie). Le morceau le plus pénible du disque est aussi le plus long (6
minutes...), et arrive en avant-dernière position : "Sentimental Journey"
se résume à une performance façon poivrot de Thomas, sous-tendue par des bruits
de bouteilles cassées occasionnellement entrecoupés de saillies bruitistes du
groupe (on peut se demander dans quelle mesure les bris de verre ont inspirés
ceux de "I Remember
Nothing"... et si Sonic Youth n'a pas trouvé ici tout son
plan de carrière). Avec un certain bon sens, on a placé le meilleur morceau
juste après pour boucler l'album, avec le cette fois-ci trop court "Humor
Me" qui incorpore un rythme reggae pour créer un hybride new-wave
anticipant P.I.L.
et Joy Division
(et contient en outre le deuxième solo de guitare génial de l'album).
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