PHOENIX – CANTOFABULE (1975) (réédité en CD sous le titre corrigé “Cantafabule”)

 

Apparemment, l’influence de King Crimson et cie avait traversé le rideau de fer, comme semble le prouver ce double album conceptuel (consacré à un bestiaire chimérique comme celui représenté par la gravure de la pochette… qui n’est pas très jolie). Un groupe de rock progressif à l’ère Ceaucescu, c'est d’emblée une curiosité. La qualité musicale qui se révèle à l'écoute du disque renforce encore l'étonnement : ces sympathiques roumains n’avaient rien à envier à leurs homologues anglo-saxons, si ce n’est peut-être du carton de meilleure qualité et des encres de couleur pour fabriquer leurs pochettes. Les chansons inspirées du folklore local et de la musique médiévale, avec guitares acoustiques et flûtes, ou au contraire des gros riffs électriques, des solos tortueux et les textures électroniques d’un moog (ou d’un équivalent construit selon des plans dérobés par le KGB) mettent en valeur des chœurs masculins autour du chanteur principal Mircea Baniciu. Le résultat se situerait quelque part à la croisée des chemins entre PFM (en plus rock’n’roll), Yes (en moins ringard), Amon Düül 2 (sans les champignons), Gentle Giant et Jethro Tull (pour l’aspect médiéval) et les Strawbs (pour le folk). Le plus méritoire est que l’ensemble, dont personne ne parviendra à décoller l’étiquette « prog » et dont la sonorité a tout de même un peu mal vieilli, n’oublie pas l’essentiel en parvenant à être constamment intéressant, authentique, accessible, et par moments franchement jouissif, quand bien même de multiples dérives auraient pu être redoutées de la part de musiciens qui s'avèrent extrêmement doués techniquement tout au long du disque (avec un véritable festival pyrotechnique dans la quatrième face). Le guitariste Nicolae Covaci maîtrise parfaitement l’instrument dans les plus pures traditions hard/psyché/prog ; le clavier Günther Reininger excelle aussi bien dans les bruitages synthétiques que dans les emprunts néo-classiques qu’autorise traditionnellement le genre, et s’avère donc ainsi de la trempe des Wakeman, Emerson, Lord ; le bassiste Iosiff Kappl est capable de jouer des parties complexes en lead, et peut aussi utiliser le violon si besoin ; et le batteur Ovidiu Lipan est largement aussi compétent qu’un Carl Palmer ou un Alan White. Célèbres dans leur pays (d’où ils s’enfuirent pendant toute la décennie 80 pour échapper à la dictature), ces musiciens n’ont apparemment pas suscité un intérêt très important à l’Occident sauf auprès de quelques connaisseurs. C’est une injustice qui mérite réparation…

 

 

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