CAN – Tago Mago (1971)

 

Album double à l’époque de sa sortie, « Tago Mago » représente pour beaucoup le sommet de la carrière de Can, et trouve même régulièrement sa place dans les guides de la discothèque idéale et autres classements des N meilleurs albums de tous les temps (enfin, les classements sérieux, pas ceux à 20h50 sur TF1…). C’est néanmoins le genre d’œuvre qui nécessite une phase d’adaptation pour en saisir toute la richesse (notamment pour comprendre finalement à quel point Irmin Schmidt est utile dans le groupe – tendez bien l’oreille dans le début de « Paperhouse »…), l’écoute étant particulièrement entravée par le fait que nos lascars d’outre-Rhin semblent s’être ici laissés aller au genre de délires abscons auxquels les prédisposait leur formation musicale avant-gardiste (Czukay et Schmidt sont des anciens élèves de Stockhausen) : c’est particulièrement le cas de « Aumgn » qui remplit la 3ème face avec des onomatopées, des martèlements qui ne peuvent même plus être qualifiés de tribaux, et un bruitage de chien pour faire bonne mesure – ce morceau constitue donc une aberration presque digne de Pink Floyd : presque seulement car justement « Tago Mago » est le genre d’album que Pink Floyd aurait dû être capable de pondre pour mériter sa réputation et ses chiffres de vente…

 

 

L’autre plage la plus expérimentale du disque est « Peking O » qui se distingue par le délire vocal de Damo Suzuki (pénible les premières fois, mais rigolo avec l’habitude – repérez en particulier le cri en réponse au roulement de batterie-mitraillette ), mais surtout par son enchaînement de segments disparates, dont l’un (avec une sorte de boîte à rythme) est fondamental dans la mesure où il contient déjà presque toute la musique des années 80 (enfin, la bonne…) avec 10 ans d’avance…

 

 

Le reste de l’album évolue dans un style encore fortement marqué par le psychédélisme (toujours autant d’effets sur la guitare chez Karoli, mais aussi un peu de violon…) où alternent des ambiances calmes, voire planantes (le final « Bring Me Coffee or Tea »…), et d’autres plus rythmées. Dans tous les cas, le génie percussif de Jaki Liebezeit se montre particulièrement utile, et, avec la tendance de Suzuki à se donner un rôle de shaman possédé, c’est une sorte de célébration païenne réinventée qui se déroule ici – ceci n’est pas sans rappeler, par les procédés de répétitions-amplifications utilisés et par l’intensité atteinte, cet autre chef d’œuvre primaire qu’est « Fun House » (même si Can est évidemment infiniment moins bordélique que les Stooges)… Par la perfection de ses compositions ainsi que par le soin du détail apporté à l’enregistrement par Holger Czukay, « Tago Mago » représente (comme le suggèrerait sa pochette) une véritable exploration dans les circonvolutions du subconscient humain : complexe, ambiguë, poignante, parfois difficilement supportable, toujours fascinante…

 

 

PS : non, la pochette n’est pas moche

 

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